Célébré dans plusieurs pays en février, le Black History Month appelé en France Mois de l’Histoire des Noirs est devenu un symbole de commémoration de l’histoire des Noirs. Retour sur cette célébration qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde.
Le Black History Month, une naissance américaine
Fils d’anciens esclaves, Carter G. Woodson naît en 1875 près de New Canton en Virginie. Il grandit dans une Amérique où les contributions des Afro-Américains sont absentes du récit national. Il souligne alors que : « Si une race n’a pas d’histoire, si elle n’a pas de tradition valable, elle devient un facteur négligeable dans la pensée du monde, et elle risque d’être exterminée. » Pour Woodson, c’est évident: les Afro-Américains doivent maîtriser leur histoire pour devenir des citoyens influents et respectés dans la société américaine, et à l’inverse, les Américains doivent connaître et reconnaître la place des Afro-Américains dans l’histoire du pays.
Trois années après son doctorat de l’université de Harvard en 1912, Carter G. Woodson fonde donc l’Association pour l’étude de la vie et l’histoire des noirs (Association for the Study of Negro Life and History ASNLH) dont la mission est de faire avancer la recherche sur l’histoire et la culture noires et de les populariser. En 1916, la création du Journal of Negro History (aujourd’hui Journal of African American History) viendra accompagner la vision novatrice de Woodson dont l’activisme influence la société américaine. En effet, en 1919, l’université d’Howard, où il est professeur d’histoire, introduit des cours sur l’histoire afro-américaine. Une première dans le pays. Plus tard, en 1926, il lance la Negro History Week, une semaine symbolique de célébration organisée chaque année en février pour célébrer la naissance du président Abraham Lincoln et l’abolitionniste Frederick Douglass. Au programme: des conférences et des manifestations culturelles pour mettre en lumière les accomplissements des Afro-Américains. Face à son succès la Negro History Week devient en 1969 le Black History Month, un mois entier de célébration. En 1976, ce dernier sera officiellement reconnu par le président Gerald Ford faisant ainsi figure d’institution civique nationale.
Une expansion mondiale
Aujourd’hui, le Black History Month s’est exporté en dehors des États-Unis. En France, c’est le Docteur Maboula Soumahoro, spécialiste en études états-uniennes, afro-américaines et de la diaspora noire africaine, qui lance pour la première fois en créant une association éponyme en 2014, le Black History Month devenu Journées Africana en 2014, une célébration des cultures et des mondes noirs. Celle-ci est organisée autour de la date du 10 mai en l’honneur de la loi Taubira – Delannon (2001). D’autres associations, comme Mémoires & Partages, un mouvement d’éducation populaire basé à Bordeaux, participe activement au développement d’un Black History Month français. L’édition de cette année a été organisée autour de la figure de Michael Jackson, et questionnait l’empreinte que le King of Pop a laissée dans la culture mondiale.
Au Canada, c’est en 1995, sous l’initiative de la députée Jean Augustine, la première Canadienne noire élue au Parlement, que le Parlement a institutionnalisé le Black History Month. Plus tard, en février 2008, le sénateur Donald Oliver, qui est également le premier Noir nommé au Sénat, a présenté une motion visant à reconnaître les contributions des Canadiens noirs et à instituer le mois de février comme le mois de l’histoire des Noirs. Le gouvernement du pays a mis en place une page internet officielle dédiée à ce temps de célébration où il rappelle que pendant le mois de l’histoire des Noirs « les Canadiens célèbrent les multiples réalisations et apports de Canadiens noirs qui, tout au long de l’histoire, ont grandement contribué à faire du Canada la Nation multiculturelle, sensible et prospère dans laquelle nous vivons aujourd’hui ».
Que ce soit en France ou au Canada, comme cités dans cet article, mais aussi en Angleterre ou en Allemagne, chaque pays s’est réapproprié ce temps de célébration en fonction de ses références historiques propres. Et partout, cela a été rendu possible grâce au rôle pivot des diasporas pour qui il est devenu indispensable de répondre à un besoin de connaissance et de reconnaissance sur les différents territoires où elles se trouvent, car aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur.