Le peintre Wifredo Lam (1902-1982), de renommée internationale, est l’initiateur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains ou caribéens. Il a côtoyé tous les mouvements d’avant-garde de son époque – cubisme, surréalisme, CoBrA – qui incitent à la liberté, favorisent l’accès à l’inconscient ou explorent le merveilleux, à travers l’automatisme graphique… Mais Lam affronte également les problèmes du monde ; il poursuit dans son œuvre le même combat que son ami, Aimé Césaire : « peindre le drame de son pays, la cause et l’esprit des Noirs ». Il a ainsi inventé un langage propre, unique et original, pour « défendre la dignité de la vie » et « saluer la Liberté »
Wifredo Lam est né le 8 décembre 1902 à Sagua la Grande, à Cuba. Il est le huitième enfant de Lam-Yam, né à Canton vers 1820 et ayant émigré vers les Amériques en 1860 et d’Ana Serafina Castilla, née en 1862 à Cuba et descendante métis de familles originaires du Congo et d’Espagne.
L’Espagne d’abord
En 1923, il reçoit une bourse de la municipalité de Sagua la Grande afin d’étudier en Europe. À l’automne de la même année, il part pour l’Espagne. Il a 21 ans.
Son séjour en Espagne, qui ne devait être qu’une courte étape dans sa route vers Paris, dure 14 ans. Cette période est fondamentale dans la formation de Lam en tant qu’artiste. À Madrid, il entre en contact avec les idées et les mouvements de l’art moderne et fréquente régulièrement le Musée archéologique ainsi que les salles du Prado.
Paris ensuite
En 1938, Lam quitte l’Espagne pour Paris. Peu avant son départ, il rencontre Helena Holzer, qui deviendra sa femme en 1944. Sa rencontre avec Picasso, dans son studio de la rue des Grands Augustins, est décisive. Picasso introduit son nouveau « cousin » à ses amis peintres, poètes et critiques d’art : Braque, Matisse, Miró, Léger, Eluard, Leiris, Tzara, Kahnweiler, Zervos. Lam rencontre aussi Pierre Lœb, propriétaire de la Galerie Pierre à Paris, où se tient sa première exposition individuelle en 1939.
En janvier et février 1941, Lam illustre le poème de Breton Fata Morgana qui est censuré par le gouvernement de Vichy. Le 25 mars, Lam et Helena Holzer s’embarquent à bord du « Capitaine Paul Lemerle » en compagnie de 300 autres artistes et intellectuels en direction de la Martinique. André Breton et Claude Lévi-Strauss sont du voyage. À leur arrivée, les passagers sont détenus aux Trois Îles. C’est durant cette étape forcée et avant son départ pour Cuba que Lam et Aimé Césaire se rencontrent et deviennent amis.
Retour aux sources
De retour dans son pays natal après presque vingt ans d’absence, Lam approfondit ses recherches en les ressourçant au monde de son enfance et de sa jeunesse. Sa sœur Eloísa dont il est proche l’informe de façon très précise des rituels afro-cubains, auxquels il assiste en compagnie de quelques amis. Lam affirme son style dans l’enrichissement de la culture afrocubaine, et il peindra plus d’une centaine de toiles, dont La Jungla, faisant de l’année 1942 la plus productive de cette période. Plusieurs expositions ont lieu aux États-Unis, les années suivantes, à l’Institute of Modern Art de Boston, au MoMA de New York et à la Galerie Pierre Matisse, où La Jungla est présentée pour la première fois et fait scandale.
Durant les années soixante, l’œuvre de Lam reflète un intérêt croissant pour la gravure. Collaborant avec des poètes et écrivains, il réalise plusieurs portfolios de grands formats, imprimés et publiés dans les ateliers de gravure de Broder, Mathieu et Upiglio, parmi lesquels : La terre inquiète d’Édouard Glissant (1955), Le voyage de l’arbre de Hubert Juin (1960), Le rempart de brindilles de René Char (1963), Apostroph’Apocalypse de Gherasim Luca (1965), L’Antichambre de la Nature d’Alain Jouffroy (1966), Annonciation d’Aimé Césaire (1969). Sa rencontre avec le maître graveur Giorgio Upiglio, à l’atelier Grafica Uno à Milan, inaugure une période d’intense créativité qui se poursuivra jusqu’à la mort de Lam en 1982.
En savoir plus: http://www.wifredolam.net