C’est un dimanche matin que nous avons rencontré l’artiste King Houndekpinkou. Il pleut des cordes à Paris mais qu’importe nous sommes bien décidés à aller à sa rencontre, un rendez-vous que nous attendons depuis bientôt 3 mois! Subjugués par son travail et surtout son univers, une fusion entre les traditions d’Afrique et du Japon. L’artiste nous a invité au sein de son atelier du Kremlin-Bicêtre, en banlieue parisienne, où il nous a fait découvrir son travail.
King Houndekpinkou est un céramiste franco-béninois vivant à Paris. Il a découvert la céramique il y a à peine 4 ans et il excelle déjà dans cet art si particulier et tellement technique. La céramique s’est révélée à lui comme une évidence, lui qui baignait déjà dans un milieu artistique avec la musique et le théâtre. Puis, comme un appel sourd, une voix intérieure qu’il n’avait peut-être pas pris la peine d’écouter jusque là, le pousse à s’inscrire à un cours de céramique à l’Atelier Mire, tenu par la céramiste japonaise Kayoko Hayasaki dans le Marais. La révélation !
« Dès que j’ai touché la terre, il y a des pensées dormantes qui sont remontées en moi. Je suis convaincu que nous en avons tous en nous. »
L’artiste n’a que 28 ans et pourtant, il fait déjà preuve d’une extrême maturité dans son travail. Une signature bien distincte, un style très séduisant qui fait appel à tous les sens. Là où la céramique classique captivera votre vue par ses couleurs et votre toucher par la douceur de cet émail si lisse qui lui est propre, King avec son travail hybride vous transporte encore plus loin. Son travail est à la fois brut, classique et sensuel. Des formes atypiques, des sculptures et surtout une patine qui vous appelle irrésistiblement au toucher, impossible de faire autrement. Qu’ils soient des vases, des tasses ou des bols, vous êtes attirés sans retenue vers un jeu de caresses délicat, tant il nous targue d’essayer de comprendre comment l’artiste a réalisé cela. King a beaucoup de talent, c’est peu de le dire et pourtant il s’en étonne encore lui même lorsqu’on lui demande si son talent est inné. Il ne manquera pas de souligner: « Merci ! C’était déjà en moi certes, mais c’est avant tout beaucoup de travail ».
L’Alchimiste de la terre KING
En effet, « la céramique est une collaboration entre les éléments : la terre, l’air, le feu, l’eau». Comprendre la céramique, n’est pas chose facile pour un amateur. Entre émail, silicate de sodium, oxyde de manganèse et oxydation par le feu, on se croirait presque dans un cours de chimie. Heureusement, King avec une grande générosité, prendra le temps de nous expliquer la complexité de son travail, qui demande beaucoup d’ingéniosité, de technique et de maîtrise. La réalisation d’une pièce finie passe d’abord par beaucoup d’expérimentations que l’artiste ne manquera de noter chaque étape dans un petit carnet. Puis, il s’inquiète de la température ambiante dans son atelier. « Il pleut, l’air est humide, mes pièces vont sécher lentement. arrrrgg! ». King, est à la fois technicien, artiste et philosophe. A le voir s’exécuter sur la réalisation de la dernière pièce de sa prochaine exposition, dans une concentration extrême mais enjouée, nous avons compris à quel point Terre, Air, Feu et Eau mis ensemble étaient constitutifs à la création et à la réalisation d’une pièce. A une période où l’actualité se fait assassine sur l’état alarmiste de notre planète, l’artiste nous interroge… La céramique est pour lui, une autre manière de voir la vie, une expérience de la terre et un exercice thérapeutique qui permet de se connecter à soi-même. Un art qui lui permet de se reconnecter à ses racines. Et c’est ainsi que l’artiste met une telle émotion dans son travail qu’il est difficile de ne pas être teinté par ses sentiments.
Un pont entre les cultures, une fusion parfaite entre l’Afrique et le Japon
King a créé son univers, son style, sa signature dans l’art céramique: hybride. Une représentation peut-être de cette double culture qui l’habite, le Bénin d’où il tire ses racines, et le Japon son pays d’adoption. Avec le Japon, ce n’est pas juste une admiration, ou une simple inspiration. L’artiste partage avec ce petit pays, un vrai échange culturel, notamment avec d’autres céramistes japonais, qui ont conservé les techniques ancestrales. A Bizen, ville située dans la province d’Okayama au Japon, la céramique (caractérisée par son aspect brut), est une tradition millénaire. King s’y rend régulièrement pour s’imprégner de cette culture qui le fascine tant et pour laquelle il voue une admiration profonde. Mais au premier abord, à y voir son travail, difficile d’y apercevoir les traces d’une influence africaine. L’artiste nous fait remarquer que c’est surtout dans les formes que se situe l’Afrique. Il donne en effet des formes totémiques à ces objets, qui renvoient souvent à la culture animiste de l’Afrique de l’Ouest. Et à y regarder de plus près, et surtout lorsque les pièces ne sont pas encore cuites, nous avons l’impression de retrouver en face de nous des récipients en Calebasse. La Calebasse est une plante de la famille des Cucurbitacées, famille qui comprend aussi les courges, le concombre, le melon, la pastèque, etc. Originaire d’Afrique, elle est cultivée comme plante potagère pour son fruit qui est utilisé sec pour fabriquer principalement des récipients, mais aussi d’autres objets et notamment des instruments de musique. De la même manière, King nous rappelle que ses pièces ont la même signification et fonction. Objets de décoration ou pas, son utilisation est le propre de son acquéreur. Par ailleurs, son travail hybride à la fois brut et lisse, n’est pas sans rappeler ce pont entre les cultures qu’il construit au quotidien et qu’il nous invite sans doute à emprunter.
L’artiste généreux
King Houndekpinkou est un artiste, assurément. Est-ce nécessaire de rappeler qu’il a beaucoup de talent ? On est frappé par sa sincérité, la douceur de sa voix et sa volonté à vouloir partager sa passion. Il nous a fait l’honneur de réaliser la dernière pièce de sa collection pour ses expositions à venir, notamment à la Galerie Vallois en septembre prochain, à l’occasion de « Parcours des Mondes », l’évènement international des arts premiers. L’artiste respire une plénitude communicative, nous ressortons grandis de cet entretien et osons lui souhaiter selon ses mots « Paix, lumière et toute notre gratitude ! »
Plus d’infos :
Expositions à venir :
– Japan Expo 2015, du 2 au 5 Juillet 2015 au Parc des Expositions de Villepinte.
– Galerie Vallois – du 8 septembre au 3 octobre 2015
Site Internet : www.kinghoundekpinkou.com