“Construisons ensemble le Dapper de demain, le musée de demain, plus mobile, plus flexible, plus proche des gens”.
A l’occasion de l’inauguration Chefs d’œuvres d’Afrique, la nouvelle exposition du Musée Dapper, Little Africa est partie à la rencontre de Aurélie Leveau, administrateur général du Musée Dapper et la créatrice/l’artiste de l’installation « Afrique plurielle ».
1/ Après « l’Art de manger », comment a émergé l’idée de cette nouvelle exposition Chefs d’œuvres d’Afrique ?
Nous avions jusqu’à présent choisi de fonctionner par expositions thématiques comme « l’Art de Manger » ou « Initiés » par exemple. Cependant, il y avait une forte demande du public de voir ou revoir les pièces majeures des arts africains qui constituent l’exceptionnelle collection du musée Dapper. Ce regroupement hors du commun a été réalisé par Michel Leveau, qui nous a quittés en 2012, et cette exposition est donc un « Hommage » au fondateur sans qui le musée n’existerait pas. Ces incroyables étaient en réserve, loin de la vue de tous… Il était temps de les montrer !
2/ Cette exposition regroupe des références en matière d’art non occidentaux. Ces magnifiques reliquaires par exemple. Comment s’est opéré le choix des œuvres exposées, était-ce difficile de choisir ?
Le choix a été évident pour certaines œuvres ! Il s’agissait de montrer effectivement des oeuvres incontournables des arts africains. Par ailleurs, nous avons souhaité exposer des pièces auxquelles Michel Leveau tenait plus particulièrement. Ainsi, par exemple la princesse Bangwa (Cameroun) est un véritable symbole ; elle a été « mise en scène » par Man Ray lors d’une séance photo célèbre avec un mannequin parisien nu. Pour les magnifiques figures de reliquaires kota (Gabon) que vous évoquez, elles ont une esthétique forte et singulière, car leur technique de réalisation n’a pas d’équivalent en Afrique. Elles déchaînent les passions depuis le début du 19e siècle (notamment Picasso, Jean Gris, etc.)
Un des kota de l’exposition a d’ailleurs été le 1er au monde a être exposé aux Etats-Unis ! Nous avons encore quelques pièces importantes que nous n’avons pas montrées, faute de place…
3/ « Afrique Plurielle » est votre création. Elle ouvre l’exposition. Quel est son message ?
« Afrique plurielle » est une installation vidéo qui regroupe photographies, performances d’artistes contemporains et documents anciens et prend la forme d’un triptyque : Libérer les cheveux, marquer la peau, danser la mort. Le but est d’illustrer cette diversité, cette Afrique d’aujourd’hui, dynamique, et montrer qu’elle n’est pas déconnectée du reste de l’exposition (l’Afrique traditionnelle). Ces 3 thèmes forts, sont des exemples de ce lien entre tradition et modernité et permettent au visiteur de se rendre compte d’actes symboliques, d’actes significatifs, qui vont pouvoir relier l’individu dans sa société et dans sa propre identité.
4/ Vous êtes jeune et il n’est pas commun de trouver des jeunes qui portent un intérêt aux arts anciens. Quel est ce plus que vous apportez au musée ?
Je suis née avec le musée donc j’ai un lien très personnel avec les objets ! J’ai des photos de moi à 4/5 mois avec une pièce d’art africain comme gardien, donc les objets ont toujours fait partie de mon environnement, ce qui est une chance incroyable. D’un autre côté, je suis bien ancrée dans le monde contemporain, ses enjeux, les évolutions technologiques, ce qui me permet d’avoir 2 facettes très complémentaires. Je pense que les arts africains traditionnels, véhiculent un message très positif de l’Afrique, un message de beautés, de vitalité, de richesses, et que les jeunes d’aujourd’hui, quelque soit leurs origines, devraient vraiment prendre le temps de découvrir cela. Peu de gens savent qu’il y a déjà des centaines d’années, voir des millénaires, l’Afrique était le berceau de civilisations incroyables qui ont laissés derrière eux des œuvres d’arts sans équivalent.
5/ L’application mobile et les audio-guides interactifs dont dispose le musée sont votre idée. Que souhaitez-vous apporter en plus au musée ?
Il m’a fallu 3 ans pour comprendre l’écosystème du musée. Le musée Dapper a toujours été pionnier, il est temps il se repositionne en tant que tel, c’est mon but. Nous défendons un idéal, et des valeurs fortes : « Promouvoir les cultures des arts africains, des Caraïbes et leurs diasporas ». Or les modes de réalisation de ce but humaniste ne sont plus les mêmes qu’il y a 30 ans, à la création de la fondation.
Nous souhaitons véritablement positionner le musée comme une plateforme d’expressions, un lieu de rencontres et nous sommes toujours ouverts aux collaborations et partenariats.
6/ Sur quels autre types de projets vous travaillez au sein du Musée ?
Depuis quelques années, le Musée Dapper s’implique activement dans des projets culturels et pédagogiques sur le continent africain : Dapper Hors les Murs. Nous avons déjà réalisé 2 expositions au Sénégal (Gorée) qui ont rencontré un vif succès, couplées avec une intégration importante de jeunes (formation sur le chantier des expositions, collaboration avec des artiste, visites guidées gratuites pour les scolaires, films pour enfants, ateliers, etc.).
Nous aimerions aussi rendre le musée plus accessible, de partout dans le monde, pour tous. Dans ce but, nous travaillons à la numérisation de la collection en 3D et photos HD pour promouvoir les œuvres. Nous avons noué un partenariat avec Google et il sera bientôt possible de visiter virtuellement le musée, gratuitement. Enfin, nous avons pour objectif de développer des contenus didactiques et accessibles pour faire découvrir et comprendre les pratiques traditionnels et l’art contemporain.
Construisons ensemble le Dapper de demain, le musée de demain, plus mobile, plus flexible, plus proche des gens.
L’exposition Chefs d’œuvres d’Afrique est à découvrir jusqu’au 17 juillet 2016 au Musée Dapper.
Propos recueilli par Jacqueline NGO MPII.