Le Festival Les SUDS à Arles reviendra prendre possession de la cité arlésienne du 10 au 16 juillet prochain. Tout comme les Rencontres d’Arles sont à la photographie ce que le Festival de Cannes est au cinéma, le Festival Les SUDS à Arles s’est imposé en 22 ans comme un incontournable dans le parcours festivalier de l’été des mélomanes de tous poils, et des amoureux des musiques du monde en particulier. Chaque été, pendant 7 jours et 6 nuits, la belle cité arlésienne vibre aux sons d’instruments et des voix des cinq continents ainsi que de la foule emportée dans ce qui est un véritable voyage au cœur du monde. Le dépaysement est total et l’expérience humaine unique. Nous avons rencontré un des programmateurs, Stéphane Krasniewski, qui a accepté de nous en dire un peu plus sur la programmation de cette 22ème édition qui fait résolument la part belle au continent Africain. Entretien.

Little Africa Paris
Stéphane Krasnieswski © StŽephane BARBIER

Pouvez-vous nous expliquer rapidement quel est votre rôle en tant que Programmateur?

Nous sommes deux programmateurs sur le festival. Nous travaillons  beaucoup en collaboration pour repérer et sélectionner les artistes les plus novateurs et représentatifs de ce que nous recherchons à montrer au public c’est-à-dire la vitalité et  la grande diversité des musiques du monde.

Pouvez-vous nous parler plus particulièrement des artistes africains programmés à cette 22ème édition des SUDS à Arles ? Qu’est-ce qui a motivé le choix de ces artistes-là plutôt que d’autres ?

Nous ne sommes pas un festival avec un focus chaque année. Nous sommes un festival généraliste qui laisse la place à tous les continents et tous les genres musicaux. Cependant, il est vrai que nous avons réalisé cette année que la place la musique africaine était prépondérante dans la programmation. Les musiques africaines sont en pleine réinvention comme c’est le cas avec Lamomali l’un des projets-phares du festival de Mathieu Chédid, alias « M », Toumami & Sidiki Diabaté, avec la participation exceptionnelle de  , une formation inédite qui met en lumière l’immense talent de ces artistes africains.

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Pochette de LAMOMALI / signé JR

En 1ère partie du concert le 11 juillet, nous avons programmé une autre artiste exceptionnelle d’origine Soudanaise : AlSarah & the Nubatones – dont les influences combinent musique africaine et orientale et révèlent ses racines nubiennes, au son d’un Oud rock. Pour nous, il est très important d’offrir un panel très varié et offrir à l’artiste le public qu’il mérite, tout en permettant à ce public de découvrir un artiste que nous savons il appréciera.
Pour vous donner un aperçu de la grande diversité des artistes programmés, dans le fil rouge tissé par les artistes africains au festival cet été, on pourra aussi mentionner : Derek Gripper. Musicien blanc sud-africain passé  par la guitare classique, il est littéralement « tombé en amour » pour Toumani Diabaté et s’est mis en tête de faire une transcription pour guitare de ses pièces. Il a ainsi développé un mode de transcription et transmission du répertoire mandingue pour la guitare qu’il nous fera découvrir en concert mais également lors d’un stage via lequel il transmettra aux participants les techniques de la guitare mandingue tel qu’il les a élaborés.

Plus contemporain et toujours originaire d’Afrique du sud, les BCUCBantu Continua Uhuru Consciousness –, sont une formation gospel à l’énergie rock née à Soweto, avec des voix puissantes et un engagement politique très fort.

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Les BCUC (c) Jeanne Abrahams

Une soirée spéciale « Rock & Roots » aux Forges – lieu consacré aux musiques du monde qui ont une certaine urbanité, permettra de découvrir l’univers singulier de King Ayisoba du Ghana, joueur de Kologo, dont le disque a été produit par Zea le leader d’un groupe punk hollandais appelé The EX, avec lequel un concert est également prévu au programme de la soirée. Il est d’ailleurs à ce titre très intéressant de constater que les passerelles entre les musiciens se font directement au-delà de l’ingérence des producteurs.

Pour finir, je citerai la danseuse béninoise Perrine Fifadji, fameuse pour son interrogation constante du rapport à la scène et à l’Autre, qui offrira un spectacle débordant d’émotions.Tous ces artistes ont été choisis car très représentatifs de la vitalité actuelle des musiques d’Afrique noire.

Selon vous, l’Afrique est-elle aujourd’hui bien représentée dans les musiques du monde ? Pourquoi ?

Je pense que oui pour 3 raisons : tout d’abord parce qu’il y a des choses magnifiques qui sont produites sur le continent. Ensuite, il y a des centres urbains qui permettent de réintérroger les traditions : Accra, Johannesburg, Caire, Kinshasa… Parce que ce sont des villes très cosmopolites, ouvertes sur le monde et ouvertes sur l’extérieur, elles intègrent des éléments très modernes aux musiques traditionnelles à l’exemple d’un musicien comme Islam Chipsy, originaire du Caire, et qui fait de la musique électro.

Enfin, les modes de production ont évolué : l’impulsion de l’autoproduction et des modes de diffusion a permis la naissance de passerelles entre des groupes africains et d’autres continents. Un peu dans l’esprit de ce qui a pu exister par le passé avec des Peter Gabriel et Paul Simon mais où on sort totalement des circuits traditionnels des musiques du monde. A titre d’illustration : les multiples collaborations de The EX que j’ai mentionné auparavant avec des artistes tels que le saxophoniste éthiopien Getatchew Mekuria ou le ghanéen King Ayisoba, ou celles de Damon Albarn du groupe Blur avec bon nombre d’artistes ouest-africains comme Afrikan Boy, Rokia Traoré ou encore Shingai Shoniwa ; ou plus récemment encore Doueh-cheveu, la rencontre inédite entre des musiciens sahraouis de Baamar Selmou en Algérie et un trio français de Bordeaux.

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King Ayisoba (c) Jacob Crawfurd

En 22 ans, comment a évolué la place de la musique africaine au sein de la programmation du festival Les SUDS à Arles ? Des festivals de musiques du monde en général ?

La musique africaine a toujours occupé une place importante, mais on était sur des artistes plus classiques. Dans les années 90, on a pu assister à l’explosion d’artistes tels que : Ali Farka Touré, Youssou Ndour, Mory Kanté, Mahmoud Ahmed, etc. qui avaient du mal à sortir des réseaux propres aux musiques du monde. Depuis les années 2000, ils éclatent les réseaux de diffusion habituels. Depuis quelques années la scène se restructure et occupe une place qu’elle n’occupait pas auparavant, opérant une véritable hybridation et modernité passionnantes. Pour exemple, un groupe tel que Throes and The Shine  a pu être programmé à la fois sur des scènes de musiques du monde et de musiques actuelles. Il a aussi fait l’objet d’un sujet de 8 pages dans les Inrocks – revue habituellement plus versée dans la pop rock. C’est un autre signe très révélateur de ce changement, de ce mouvement.

Quel rôle joue, et quelle valeur ajoutée apporte un festival tel SUDS à Arles, dans sa diffusion et son rayonnement ?

Un festival tel que le nôtre permet d’offrir aux artistes des scènes, à des heures et face à un public qui sont adaptés à leur prestation. Un festival comme le nôtre a réussi en 22 ans à fidéliser un public qui est avide de nouveautés et qui nous fait confiance. Bon nombre de nos artistes, même s’ils disposent d’un public local, n’ont pas accès aux grands médias, donc nous jouons le rôle de prescripteurs. Pour exemple : il y a quelques années, nous avions programmé Yom en 1ère partie de Cesária Évora. Tout le monde était venu pour Cesária et était reparti avec le disque de Yom.

Donnez-envie à nos lecteurs(rices) de venir : Pourquoi aller au Festival ? Qu’est-ce que participer à ce festival dans le cadre spécifique de la cité arlésienne a de particulier ?

La journée démarre à 10h avec une radio éphémère qui annonce le programme de la journée : concerts, stages, actions de médiation telles que les apéros-découverte où les artistes du soir sont présentés et peuvent jouer un ou deux titres en teaser puis expliquer leur démarche,  ou être interviewé par un média. Tout cela contribue à rendre plus accessible ces musiques du monde dont il faut parfois avoir des codes pour bien les comprendre.

La musique est au cœur du festival mais pas seulement. Nous avons l’ambition de proposer un voyage, une transformation. Il aura été nourri de multiples expériences, de rencontres, plongées au cœur des cultures du monde, pour établir un lien direct entre les artistes et les spectateurs, rompre les barrières de la distance, du temps et de la culture.

Nous travaillons sur tout le contexte, la genèse et l’environnement des artistes qui produisent ces musiques. Nous avons la chance d’avoir des artistes d’une grande générosité qui ont à cœur de partager et restent sur le festival plusieurs jours pour participer aux stages et l’ensemble des activités que nous proposons aux festivaliers. Nous sommes sur ce rapport de grande générosité. Nous essayons dès le plus jeune âge de sensibiliser les jeunes à cette richesse car c’est aussi de cette manière-là qu’on travaille sur le mieux vivre ensemble.

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Alsarah©NoushaSalimi

Quelque chose à ajouter pour les lecteurs(rices) de Little Africa ?

Je voudrais juste insister sur le fait que le festival est un voyage ; la ville de Arles est très agréable, une ville de Provence telle qu’on peut se l’imaginer avec son mistral, ses apéros, sa sieste… c’est la ville des Rencontres de la photo, éminemment culturelle, qui a nombreux attraits au-delà du festival et qu’on peut avoir envie de (re)découvrir indépendamment du festival.

La 22ème édition du Festival Les SUDS, à Arles 

Du 10 au 16 juillet 2017

Pour plus d’infos et la programmation http://www.suds-arles.com/fr/2017/festival

 

Eva Glélé – Contributrice.

Team Little Africa
Author: Team Little Africa

Little Africa est une agence culturelle qui aide les particuliers, les organismes à but non lucratif et les entreprises à se rapprocher du meilleur de la culture africaine à Paris (pour l'instant). A travers des éditions et un merchandising esthétiques et élégants, des événements artistiques et des expériences de voyage, Little Africa organise le meilleur de la culture africaine.