Vous croyez partir sans autre but que renaître chaque matin avec le monde. Vous croyez que le premier petit chemin venu sera celui de votre fantaisie. Vous croyez que vous choisirez d’oublier le calendrier dans une ville rose, parce que le rose est votre couleur préférée. Vous croyez qu’il vous suffira d’être jeune pour qu’on vous aime et soit sincère pour que les portes s’ouvrent ?
Les portes s’ouvrent-elles jamais ?
Avez vous déjà essayé, séduit par un porche accueillant, d’entrer, pour rien, pour le plaisir, chez l’habitant de votre propre ville, en lui disant :
– Bonjour Madame/Monsieur, je viens vous voir, parce que votre maison est jolie et que j’ai envie de vous connaître.
Cela a-t-il le sens commun ?
Non, l’aventure, cela s’organise. Il faut un itinéraire, un départ, un budget. Il faut un plan de travail et un emploi du temps.
C’est peut être cela, au fait l’aventure, cette lutte contre soit même et la piste si longue, cette obstination d’insecte têtu qui va vers son chemin quoi qu’il arrive.
Voyager au Cameroun, c’est oublier tous les jours ce qu’avait été la veille, retrouver la jeunesse, goutte à goutte se perdant. Il faut s’éveiller chaque fois avec un regard neuf à Belabo, Gorum, Bamkim, les voir comme s’ils n’étaient pas seulement les éléments d une succession de souvenirs à classer. L’enthousiasme se boit frais !
Peut-être entreverrez vous la beauté, la science, la sagesse, sans avoir le temps de les reconnaître ? Peut-être des chances vous seront-elles tendues et l’ignorance paralysera t-elle votre bras ? Nous ne saurons sans doute jamais ce qui passe à portée de nos mains, déjà creusées pour saisir et recevoir, nous ne saurons sans doute jamais quel vide de l’esprit nous aura empêché d’y songer.
Parfois vous rencontrerez un village heureux comme le village Idool, et vous serez tenté de vous y arrêter, d’y déposer définitivement vos bagages. Mais toujours comme des automates, il vous faudra continuer.
Que cherchez vous ? Ou plutôt que cherchons nous ? Quel instinct de migration nous pousse à mettre entre nous et le soleil une ombre de plus en plus grande ?
Quand un Homme fuit, que fuit il ? Croit il qu’il pourra se perdre/ Croit il qu’il pourra se trouver ?
En secouant la vielle calebasse du monde, peut être allons nous découvrir la solution, le fond du problème au fond de la calebasse ?
Faire le tour du Cameroun, c est surtout, par delà le pittoresque des agences de voyage, apprendre à connaître les Hommes qui le peuplent. Alors on s’apercevra que les primitifs ne sont pas toujours ceux qu’on pense, et que de toute façon on est toujours le sauvage de quelqu’ un.
Pygmées fraternels et silencieux de Moloundou qui pratiquent de façon systématique la fidélité au sein des couples, les KOMA nobles et écolo du nord Cameroun au sourire rayonnant, les belles femmes Bororos fières aux cheveux longs et soyeux de l’est Cameroun.
Tous vous apprendrons que la vie quotidienne se pratique sous toutes les latitudes et que l’Homme est le plus petit commun dénominateur de l’Homme.
Partout au Cameroun, il y a le temps qu’il fait, il y a le temps qui passe.
Partout, malgré la diversité des mœurs, les questions essentielles restent semblables. A ce niveau de vie égal, les problèmes de tous les Hommes sont les mêmes.
L’aventure est en fin de compte purement intérieure.
Bon voyage.
Franck Mensah Gampson