En France, l’histoire et l’émergence d’une « question noire » allemande demeurent largement méconnues. Et pourtant, comme le souligne Omar Diallo, fondateur de l’Afrika Haus, un centre dédié au partage et à l’échange sur l’histoire et la culture de l’Afrique : « C’est ici, à Berlin même, que l’Europe s’est partagé le gâteau africain ! ».
Il a raison. Théâtre et symbole de la Guerre Froide (1945-1991), Berlin est aussi le lieu où, entre le 15 novembre 1884 et le 26 février 1885, les puissances européennes se sont « partagées » l’Afrique lors de la célèbre conférence de Berlin. Depuis, près de 130 ans se sont écoulées. Ce passé a-t-il marqué la capitale allemande ? Si oui, comment? Y a-t-il une « petite Afrique » à Berlin » ?
Découverte du quartier africain de Berlin….
Berlin est une ville extraordinairement étendue. Avec ses 3,7 millions d’habitants, 12 arrondissements, et une superficie 8 fois plus importante que celle de Paris, elle ne peut fonctionner sans ses moyens de transports. Nous prenons le U-bahn 6, l’équivalent du métro en Allemagne direction Afrikanische straße dans le Nord de la capitale. Il paraît que c’est là que se trouve le quartier africain. Au gré des stations – Wedding, Leopoldplatz, Seestraße – des passagers descendent, d’autres montent. Pas le moindre noir ou métis à l’horizon. Pourquoi n’y en a-t-il aucun ? Cela nous intrigue. Peut-être parce que nous gardons en tête le mythique marché parisien de Château Rouge ou encore celui de Matonge à Bruxelles. Des lieux où l’on retrouve l’Afrique en plein cœur de l’Europe.
Afrikanische Straße enfin! À la sortie du wagon, aucun rabatteur pour les salons de coiffure ou les ongleries. Les clichés qui ornent la station nous transportent dans l’univers de la faune et flore africaine : lion, éléphant, et autres animaux de la savane. À l’extérieur de la station, aucune publicité pour les voyants et marabouts. Pas de « tantine » ou « tonton » vendant des produits cosmétiques à même le trottoir, et encore moins de magasins dédiés aux pagnes ou produits alimentaires. Bref, pas d’ambiance rappelant les quartiers parisiens de Château Rouge ou encore Château d’Eau. On y découvre plutôt un quartier résidentiel paisible et plusieurs rues qui attirent notre attention : celle du Togo, du Ghana, du Cameroun, de l’Ouganda, et de la Guinée pour n’en citer que quelques-unes.
…et ses rues qui célèbrent la colonisation
Baptisées aux noms de pays africains durant l’Empire colonial, elles sont un témoignage de la colonisation allemande en Afrique. Mnyaka Sururu Mboro, militant originaire de Tanzanie et fondateur de l’association Berlin Postkolonial expliquait récemment à la presse qu’« À cette époque le but était de créer un espace pour y exposer des espèces rares d’animaux et d’hommes, en fonction de leur pays d’origine. Cela a été un échec, mais les noms des rues sont restés”. Pire encore, ces rues sont plantées à côté de trois autres qui rendent hommage aux colons allemands ayant contribué à l’expansion de l’Empire jusqu’en Afrique : comme la rue Lüderitz Straße (en l’honneur à Adolf Lüderitz). Pour Mnyaka Sururu Mboro, qui se bat depuis 12 ans pour qu’elles soient modifiées et baptisées au nom de résistants africains, ces noms sont une aberration. Mais son combat est loin de faire l’unanimité : de nombreux riverains sont fermement opposés à la suppression de ces noms de rues. “Pourquoi tant de bruit pour si peu ?”, s’étonnent certains.
En arpentant la Afrikanisches Straße., nous retrouvons enfin une ambiance plus populaire et multiculturelle. Les épiceries et restaurants turcs côtoient les « afro-shop », ces épiceries de quartier où l’on retrouve un petit bout d’Afrique à des kilomètres du continent. Sur la Torf Straße, nous entrons chez Jamal Afro Shop. Au comptoir, un jeune homme d’origine pakistanaise nous salue. Sur les étals, on retrouve les produits alimentaires mais le choix reste limité comparé aux épiceries de Château Rouge. Il n’y a pas foule : les clients viennent au compte-gouttes. On finit par comprendre que le quartier « africain » de Berlin n’est pas à celui que nous connaissons à Paris. En fait, ces lieux sont difficilement comparables, peut-être bien parce que l’histoire de l’Allemagne en Afrique et celle de la France sur ce continent sont différentes.
C’est vrai qu’on entend pas beaucoup parlé côté francophone. Il me tarde d’aller à Berlin maintenant.