De retour de mon voyage au Cameroun, je me devais d’écrire sur mon voyage, ne serait-ce que quelques lignes. Bien que Little Africa soit dédié à la découverte de l’Afrique hors frontières, une escale en terre africaine pour une ressortissante venue justement de l’autre côté de l’Atlantique trouve sa place sur cet espace. Ce fut un véritable retour aux sources pour Little Africa qui nouvellement crée fin 2014, se devait de faire le pas vers cette Afrique en effervescence dont tout le monde parle !
Maintenant par où commencer, tant j’ai vu, tant j’ai appris, tant j’ai vécu énormément d’émotions. D’abord, chaque que fois que j’ai l’occasion de me rendre au Cameroun, je dois faire un passage obligatoire dans mon village natal, situé en plein cœur de la forêt entre Eséka et Édéa. C’est vrai que mes ancêtres y sont enterrés, mais ce qui me pousse particulièrement à m’y rendre c’est ce sentiment d’être complètement perdu au cœur de la forêt dont je respire l’odeur, une odeur que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs. Observer cette forêt vierge, touffue et se dire qu’à certains endroits aucun pas de l’homme n’a encore foulé cet espace. Le village, c’est l’immersion totale avec la nature, des rivières vierges où chaque habitant se baigne de la façon la plus naturelle qu’il soit de le faire, sans complexe, et où les enfants y voient d’immenses espaces de jeu. Vous foulez le sable, ressentez la fraîcheur de l’eau, et entendez les quelques chants d’oiseaux. N’ayez pas peur qu’un animal surgisse et vous attaque. Ce n’est que dans les films et notre imagination que cela se traduirait. Dans la réalité, chaque espèce a sa place et « est supposé » rester à sa place.
Autre point fort de ce voyage, la découverte de l’Ouest dit aussi le « pays bamiléké » (ethnie du Cameroun). Une ethnie fascinante, qui impressionne par la grandeur de ses chefferies, ses musées et surtout la conservation de leurs traditions et rites. Vous entendrez dire beaucoup de mauvaises choses au sujet des bamilékés du Cameroun. Souvent tout ceci relève de la jalousie et d’une grande méconnaissance de ce peuple du Cameroun. Qu’on se le dise, L’inconnu restera toujours Inconnu tant qu’on n’aura pas fait le choix de partir à sa rencontre. On fabule beaucoup sur ce peuple, sur leurs traditions, les « sociétés secrètes » etc. Quelques heures passées à la Chefferie de Baham et de Bamendjou où j’ai eu le privilège de visiter leurs musées respectifs (Le Musée de Baham et le Musée communautaire de Bamendjou), m’ont permise de recevoir des enseignements à la hauteur de mon entendement. Je n’en ressors qu’encore plus émerveillée.
Le Musée de Bamendjou où j’ai passé beaucoup de temps par exemple, retrace l’histoire de la chefferie du même nom, de ses premières migrations jusqu’à son implantation et ses évolutions actuelles. L’art a toujours réglementé la vie sociale de la chefferie. Un espace des créateurs est entièrement dédié à la richesse artistique du peuple Bamendjou et met en avant la création plastique passée et contemporaine de ses artistes. On y trouve des objets incontournables tels que les œuvres issues d’articles de récupération de Joseph Sumegne (dont je vous parle ici), les masques cagoules portés hors des danses coutumières de Takoundjou Fonkwe, les objets sculptés dont ceux d’Oumbe Massah (qui travaille l’ivoire) ou de Fidèle Takoudoum (connu pour ses oeuvres sculptés dans la pierre) et de multiples objets sacrés, tous liés à l’histoire de la chefferie. Pendant longtemps, la société a été marquée par la tradition orale, faisant de l’art le seul moyen de transmission à travers les générations.
Fort de ce contact, le roi actuel, Fo’o Soukoudjou, lui-même sculpteur sur bois et sur bronze, déclare : «Il est urgent de venir puiser dans les traditions ancestrales des repères qui ont résisté au temps et qui peuvent nous servir dans la construction de demain».
Entre traditions et modernité donc, le grand défi majeur qui s’impose à l’Afrique émergente de demain, j’ai compris qu’un choix ne s’impose pas. On ne peut pas toujours chercher à traduire où trouver la signification d’un mot qui en a déjà une depuis des millénaires dans sa langue natal. « C’est à ma langue de s’approprier le mot tel quel » (remarque pertinente d’un grand homme, Monsieur René Fogang).Il suffit donc simplement de s’Adapter, s’Asseoir et Ecouter. Une réflexion qu’à d’ailleurs très justement compris une association de jeunes camerounais, la SJC dont j’ai eu le privilège de rencontrer l’un des membres fondateurs. Causeries éducatives, voyages découvertes et workshops sont organisés par cette jeune association qui souhaite réenchanter la jeunesse africaine et lui donner les clés et les codes de l’Afrique de demain.
Pour finir, je dois dire que j’ai ressentie l’effervescence de cette diaspora qui rentre de plus en plus dans leur pays natal pour tenter de bâtir l’Afrique dont elle rêve. C’est vrai que parfois, après tant d’années passées en occident on est souvent pris dans une frénésie qui entre totalement en contradiction avec un certain mode vie à la « baba cool » en Afrique. Je retiens tout de même qu’il est parfois bon de faire les choses sans hâte, sans timing, sans pronostic, sans plan B, X ou Y parce que le plus important fini toujours par s’accomplir, lentement mais sûrement. On apprend donc à être un peu plus zen, moins en programmation GPS, mais on apporte aussi notre niac, notre motivation et notre fureur car même si l’Afrique est encore imaginée comme une jungle pour certains, la plus grande jungle reste en Occident où la loi du plus fort reste la meilleure, hélas.
N’hésitez donc pas à aller visiter ce pays, son peuple accueillant et savourez les spécialités locales ☺. L’Afrique n’attend plus que vous.
(Mes remerciements sincères et infinis aux deux Musées cités pour leur accueil, à la famille Fogang et plus particulièrement à Monsieur René Fogang pour son partage de l’histoire et sa transmission des valeurs et des traditions bamiléké)